Montée de l’extrême-droite: la faute à Macron?

L’extrême-droite française n’a jamais été aussi forte depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : Marine Le Pen est aux portes de l’Élysée et son parti est donné grand favori au scrutin européen de juin 2024. À qui la faute ? Pour la gauche, le coupable est tout trouvé : il s’agit évidemment d’Emmanuel Macron. Plusieurs personnalités de gauche, dont Anne Hidalgo, Éric Coquerel et Adrien Quatennens, ont en effet dénoncé la responsabilité personnelle du président de la République dans l’ascension du RN.

La gauche accuse Macron d’avoir favorisé la montée de l’extrême-droite en menant une politique de « casse sociale ». Mais pourquoi cette prétendue « casse sociale » profite-t-elle au RN plutôt qu’à la gauche ? Pourquoi l’électorat populaire s’est-il peu à peu détourné des partis de gauche ? Pourquoi vote-t-il aujourd’hui massivement pour le RN ? C’est la faute à Macron, sans aucun doute… La gauche accuse aussi le président d’avoir contribué à la « normalisation » du RN et de ses idées, comme si le parti de Marine Le Pen avait attendu Macron pour se « dédiaboliser ». Comme si Emmanuel Macron, par la seule force de son verbe, était capable de faire monter l’extrême-droite !

Imputer la montée du RN à Emmanuel Macron, c’est oublier que le Front National a entamé son ascension dès les années 1980, sous François Mitterrand, et que Jean-Marie Le Pen est arrivé deuxième à la présidentielle de 2002, après cinq années de « gauche plurielle ». C’est oublier que les plus fortes progressions électorales du FN ont eu lieu lorsque la gauche était au pouvoir. C’est oublier aussi que les opinions publiques européennes se sont fortement droitisées depuis 20 ans et que les partis nationalistes sont en forte progression dans toute l’Europe. Même en Allemagne, pays qui semblait immunisé contre le nationalisme et le fascisme depuis 80 ans, le parti d’extrême-droite AfD connaît une inquiétante percée électorale. Est-ce la faute à Macron ?

Imputer la montée du RN à Emmanuel Macron, c’est refuser de réfléchir sur les causes réelles du succès de l’extrême-droite en France. Ces causes, quelles sont-elles ? D’abord un sentiment d’insécurité physique face à la délinquance et aux violences contre les personnes. Ensuite, un sentiment d’insécurité économique lié à la mondialisation, à la désindustrialisation, au chômage ainsi qu’à la paupérisation d’une partie des classes moyennes et du monde ouvrier. Enfin, un sentiment d’insécurité culturelle face à l’immigration et à la présence d’un islam de plus en plus visible, dont les expressions les plus intransigeantes sont en rupture avec la société française. Les crises migratoires que l’Europe connaît depuis 2015 et la montée du terrorisme djihadiste ont exacerbé ce malaise identitaire et ancré dans les opinions publiques européennes l’idée que notre civilisation elle-même était aujourd’hui menacée. Est-ce la faute à Macron ?

Imputer la montée du RN à Emmanuel Macron, c’est oublier la spectaculaire offensive médiatique des polémistes et des influenceurs d’extrême-droite ces dernières années, sur les réseaux sociaux, dans la presse et sur C-News, la chaîne d’information qui a servi de rampe de lancement à la candidature d’Éric Zemmour et qui s’est imposée comme le principal canal de diffusion des thèses de l’extrême-droite. Qu’on le veuille ou non, l’extrême-droite a déjà largement imposé ses idées dans le débat public. Et elle n’a pas eu besoin d’Emmanuel Macron ni du gouvernement pour le faire.

Imputer à Emmanuel Macron la montée de l’extrême-droite, c’est dédouaner un peu rapidement les oppositions de toute espèce de responsabilité dans ce désastre. Que dire de la droite parlementaire qui recycle sans vergogne les thèses du Rassemblement National, comme on l’a vu lors du débat sur la loi Immigration ? Que dire de la gauche qui, en refusant de prendre au sérieux les inquiétudes des Français sur l’immigration, l’islamisme et l’insécurité, a jeté l’électorat populaire dans les bras du Rassemblement National ? Et que dire de la France Insoumise et de son chef, qui s’emploient méthodiquement depuis des années à saper le front républicain ? N’est-ce pas Jean-Luc Mélenchon qui, au second tour de la présidentielle de 2017, a fait sauter la première digue en refusant d’appeler à voter Macron pour faire barrage à Marine Le Pen ? N’a-t-il pas récidivé en 2022 ? Les députés LFI n’ont-ils pas contribué à la notabilisation du RN par leur attitude irresponsable dans l’hémicycle et par leur stratégie de « bordélisation » permanente ?

La montée du RN est le résultat d’une faillite collective. Désigner Macron comme le principal responsable de la montée de l’extrême-droite permet à la gauche de ne pas faire son examen de conscience et de ne pas s’interroger sur sa propre responsabilité dans l’ascension de Madame Le Pen. Si les leaders de la gauche avaient vraiment voulu faire barrière au RN, ils auraient su mettre de côté leurs égos surdimensionnés pour se rassembler derrière une candidature unique à la présidentielle. Mais cela exigeait une intelligence politique et un sens du compromis qui ont depuis longtemps déserté les rangs de la gauche française. Marine Le Pen aurait pu remporter la présidentielle à deux reprises : c’est Emmanuel Macron qui lui a barré la route. Il serait bon de ne pas l’oublier. C’est bien Macron qui a battu Marine Le Pen en 2022. Ce n’est pas Jean-Luc Mélenchon. Ni Yannick Jadot. Ni Anne Hidalgo avec ses 1,7%. Si Macron n’a pas réussi à faire reculer le RN, au moins a-t-il retardé la longue marche de Marine Le Pen vers l’Élysée.

M. Le Pen.

Mayotte: le gouvernement ouvre un débat venimeux sur le droit du sol

Mayotte est submergé par une vague migratoire totalement incontrôlée, encouragée depuis des années par les autorités comoriennes. Cette immigration massive a plongé Mayotte dans une crise sociale et sécuritaire d’une exceptionnelle gravité, à tel point que les Mahorais se sentent aujourd’hui abandonnés par l’Etat : les services publics et les associations sont débordés, la délinquance a explosé dans les bidonvilles, des gangs de voyous arrivés clandestinement à Mayotte sèment la terreur. A cette situation dramatique est venue s’ajouter une crise sanitaire, provoquée par la sécheresse et par la hausse des besoins en eau. Le drame de Mayotte profite à l’extrême-droite : là-bas, les scores du RN se sont envolés depuis le début de la crise. Au premier tour de la présidentielle de 2022, Marine Le Pen a remporté 43 % des suffrages mahorais.

La situation d’urgence qui est celle de Mayotte justifie la suppression du droit du sol sur ce territoire : à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Il n’est évidemment pas question de généraliser cette mesure à l’ensemble du territoire français car les flux migratoires auxquels est confrontée la métropole sont sans commune mesure avec ce que connaît Mayotte. Rappelons quelques chiffres : la moitié des habitants de Mayotte sont des étrangers, majoritairement comoriens. 1/3 d’entre eux sont nés à Mayotte et peuvent, par conséquent, prétendre à la nationalité française. 90% des femmes qui accouchent à Mayotte sont étrangères, et 90% des titres de séjour délivrés à Mayotte concernent des parents étrangers régularisés au titre du droit du sol parce que leurs enfants sont nés en France. Cette situation n’est plus tenable et constitue, bien évidemment, une puissante incitation à l’immigration illégale.

Comme il fallait s’y attendre, l’annonce du ministre de l’Intérieur a ouvert une brèche dans laquelle se sont immédiatement engouffrées la droite et l’extrême-droite pour demander la fin du droit du sol sur l’ensemble du territoire français. Comme lors du débat sur la loi Immigration, le RN et les Républicains pratiquent la tactique du hold-up législatif : ils instrumentalisent les propositions du gouvernement pour exiger des mesures beaucoup plus radicales et tenter d’imposer leur propre agenda législatif. De son côté, la gauche, qui n’a aucune réponse sérieuse à donner à la crise migratoire gravissime que subissent les Mahorais, a sauté sur l’occasion pour se draper dans des postures moralisantes et accuser l’exécutif de faire le jeu du RN. Une fois de plus, le gouvernement se retrouve piégé entre les tirs croisés des oppositions sur le sujet venimeux de l’immigration.

Loi Immigration: ces députés frondeurs qui ont dit non

La loi Immigration du 19 décembre a créé un malaise palpable au sein de la majorité. Ce texte, très éloigné du projet de loi initialement présenté par Gérald Darmanin, reprend la plupart des mesures défendues par la droite sénatoriale. Parmi ces mesures, l’instauration d’un délai de carence de cinq ans pour l’accès des étrangers sans emploi à certaines prestations sociales a provoqué la colère de plusieurs élus macronistes et la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau. Olivier Véran, porte-parole du gouvernement et lui-même ancien ministre de la Santé, n’a pas caché son embarras face à une loi qui tend à légitimer le principe de « préférence nationale » si cher à l’extrême-droite. Vingt-sept députés de la majorité ont voté contre cette loi et trente-deux se sont abstenus. Au total, c’est donc une soixantaine de députés de la majorité qui a refusé de voter ce texte. Pas assez, bien sûr, pour empêcher l’adoption de la loi Immigration. Assez, en revanche, pour créer une onde de choc au sein du camp macroniste et déstabiliser le gouvernement d’Elisabeth Borne. Voici le portrait de quatre de ces députés « frondeurs » qui ont eu le courage de dire non à la loi Immigration.

Le député de la Vienne Sacha Houlié fait partie des vingt députés Renaissance qui ont voté contre la loi Immigration. Ce jeune député macroniste de 35 ans devenu président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale incarne l’aile gauche de la majorité. Ancien militant socialiste, il fut un soutien de la première heure d’Emmanuel Macron et fonda en 2015 le mouvement JAM, les « Jeunes avec Macron ». Très attaché à la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les secteurs en tension, Sacha Houlié a co-signé avec plusieurs élus de gauche une tribune dans Libération en faveur de cette mesure-clé du projet de loi présenté par le ministre de l’Intérieur. Opposé au texte du Sénat, qu’il qualifia de « musée des horreurs », Sacha Houlié a pesé de tout son poids en Commission des Lois pour rééquilibrer le texte en supprimant plusieurs mesures votées par les sénateurs et en réintroduisant la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les secteurs en tension. Le 19 décembre, il n’a malheureusement pas réussi à détricoter le texte des sénateurs en commission mixte paritaire : Sacha Houlié a vécu le vote de la loi Immigration comme un échec personnel et comme une trahison des valeurs portées par le mouvement macroniste.

Gilles Le Gendre fait lui aussi partie des députés Renaissance qui ont voté contre la loi Immigration. Président du groupe « La République En Marche » à l’Assemblée Nationale entre 2018 et 2020, le député de Paris fut un interlocuteur privilégié d’Emmanuel Macron lors du premier quinquennat. Pendant les débats sur la loi Immigration, Gilles Le Gendre a vivement critiqué les positions défendues par LR, dans lesquelles il voit un « copié-collé des positions historiques de l’extrême-droite ». Interviewé sur LCI au lendemain du vote de la loi Immigration, il a déclaré : « nous avons mis le doigt dans un engrenage qui consiste à installer et à crédibiliser un certain nombre de revendications qui pour nous sont inadmissibles » ; le député a ciblé notamment la préférence nationale pour l’accès aux prestations sociales, la caution pour les étudiants étrangers ainsi que les restrictions sur le regroupement familial.

La députée de Paris Maud Gatel fait partie des cinq députés MoDem qui ont voté contre la loi Immigration. Ancienne conseillère municipale de Paris, elle est devenue députée de Paris en 2021 suite au décès de Marielle de Sarnez, dont elle était la suppléante. Européenne convaincue, Maud Gatel a travaillé dans le cabinet de Michel Barnier à la Commission européenne. Ancienne militante de l’UDF, proche de François Bayrou, elle a participé en 2007 à la création du MoDem, parti dont elle est aujourd’hui secrétaire générale. La députée centriste a estimé que certaines mesures contenues dans la loi Immigration étaient trop éloignées du texte initial et des valeurs humanistes qu’elle défendait.

Le député de Mayenne Yannick Favennec-Bécot fait partie des deux députés Horizons qui ont voté contre la loi Immigration. Ancré au centre-droit depuis ses débuts en politique, ce « député caméléon » a changé plusieurs fois de chapelle sans jamais renier ses valeurs. Élu député pour la première fois en 2002 sous l’étiquette UMP, il a rejoint l’UDI en 2012. Aux législatives de 2022, il s’est rallié au mouvement d’Edouard Philippe et s’est fait réélire dès le premier tour sous l’étiquette Horizons. Se définissant comme un homme loyal mais libre, il a toujours fait passer ses convictions avant son parti : début 2023, il avait déjà critiqué le projet de réforme des retraites du gouvernement Borne, qu’il jugeait illisible et injuste. Dans un communiqué, il explique avoir voté contre la loi Immigration parce que ce texte était trop déséquilibré. Il y déclare : « J’ai voté par conviction dans l’intérêt des valeurs de notre République, et non par soumission à des consignes de politique politicienne ».

Les divisions de la majorité sur la loi Immigration questionnent l’avenir du macronisme : a-t-il vocation à rester une force centrale ou à devenir le socle d’un renouvellement de la droite française ? Le Centriloque a toujours soutenu l’émergence d’un bloc central autonome, c’est-à-dire d’une troisième voie entre la gauche et la droite. Le macronisme, qui incarnait cette troisième voie en 2017, ne doit pas vendre son âme au diable en s’alignant sur les positions d’une droite qui recycle sans vergogne les thèses du Rassemblement National. Plus que jamais, la France a besoin d’une force centrale capable de faire barrage à l’extrême-droite.

S. Houlié, G. Le Gendre, M. Gatel, Y. Favennec.

Loi immigration: chronique d’un naufrage moral et politique

Le projet de loi sur l’immigration présenté par le ministre de l’Intérieur était un texte équilibré comportant à la fois des mesures d’intégration et de fermeté. La droite sénatoriale a totalement dénaturé ce texte mais, grâce à la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, c’est un texte de compromis qui est arrivé dans l’hémicycle du Palais Bourbon le 11 décembre. Hélas, en votant la motion de rejet préalable déposée par le groupe écologiste, les députés ont balayé d’un revers de main le travail remarquable de la Commission des Lois. Les oppositions ont réussi, le temps d’un vote, à oublier leurs divergences et à communier dans l’anti-macronisme. Ce faisant, elles ont préféré les postures politiciennes à l’intérêt général.

Le texte soumis au vote du Sénat et de l’Assemblée le 19 décembre, profondément remanié en commission mixte paritaire, n’a plus grand-chose à voir avec le projet initial du gouvernement. La droite, en position de force, a fait monter les enchères en durcissant considérablement le texte. La loi du 19 décembre n’est pas un texte d’équilibre. Pas même un texte de compromis. C’est le texte des Républicains. Entendons-nous bien : il y a dans cette loi plusieurs bonnes mesures qui vont accélérer le traitement des demandes d’asile et faciliter l’expulsion des étrangers délinquants ou dangereux et des demandeurs d’asile définitivement déboutés. Mais le texte du 19 décembre comporte aussi des mesures d’une excessive sévérité qui vont frapper l’ensemble des étrangers, et non uniquement ceux qui sont en infraction ou qui représentent une menace pour notre pays.

La mesure la plus controversée concerne le durcissement de l’accès aux aides sociales : le versement de certaines prestations sociales non contributives telles que les APL et les allocations familiales sera désormais soumis à un délai de carence de cinq ans pour les étrangers sans emploi. Cette mesure, absente du projet de loi initial et imposée par les parlementaires LR, est à la fois injuste, inutile et dangereuse. Injuste, parce qu’elle porte atteinte aux droits sociaux des étrangers. Inutile, parce qu’elle repose sur un postulat erroné selon lequel les droits sociaux agiraient comme une « pompe aspirante » sur les flux migratoires. Dangereuse, parce qu’elle introduit un critère de nationalité dans l’accès à des droits sociaux pourtant conçus comme universels. Cette mesure participe donc d’une forme de préférence nationale, principe qui constitue le socle programmatique du parti de Marine Le Pen. En acceptant cela, l’exécutif et la majorité ont commis une faute morale. Ils ont trahi les millions d’électeurs qui avaient, en 2017 et en 2022, voté Macron pour faire barrage à l’extrême-droite. Cela laissera des traces.

En revendiquant une « victoire idéologique » suite à l’adoption du texte, Marine Le Pen a fait un coup politique magistral qui a mis le gouvernement dans une position très embarrassante. En réalité, la loi du 19 décembre n’a guère enthousiasmé les élus d’extrême-droite : les sénateurs RN ont rejeté le texte et, jusqu’au dernier moment, les députés RN ont laissé croire qu’ils ne le voteraient pas, car la « priorité nationale » défendue par le RN est beaucoup plus radicale que les mesures contenues dans la loi Immigration. Ce que veut instaurer le parti de Marine Le Pen, c’est une discrimination systématique et généralisée à l’encontre des étrangers pour l’accès à l’emploi, au logement et aux aides sociales : nous en sommes loin. Si les députés d’extrême-droite ont finalement choisi de voter la loi, ce n’était que pour tendre un piège à l’exécutif. Un piège qui a, manifestement, bien fonctionné. Mais si « victoire » il y a, c’est bien celle de la droite. Les élus de la majorité se sont couchés devant LR. Ils ont cédé à toutes les exigences de la droite. Ils n’ont réussi à sauver que l’Aide Médicale d’État.

Pourquoi une telle capitulation ? Toutes les enquêtes d’opinion montrent qu’une large majorité de Français attendent des mesures de grande fermeté sur l’immigration (70% des Français interrogés par Elabe se disent satisfaits de la loi Immigration). Le gouvernement et les députés de la majorité ont estimé qu’un mauvais texte valait mieux qu’une absence de texte. Entre le déshonneur et l’impuissance, ils ont choisi le déshonneur. Mais les députés de la majorité ont aussi fait un pari : ils ont voté la loi Immigration avec l’espoir – à peine dissimulé – que les mesures les plus dures soient censurées par le Conseil Constitutionnel. Si cela se produit, les élus de la majorité auront réussi leur pari. Mais il s’agit là d’un bien mauvais calcul, car une censure du texte par le Conseil Constitutionnel fournirait un argument de poids à Éric Ciotti et à tous les élus LR qui souhaitent réviser la Constitution.

La loi Immigration illustre les limites du fameux « en même temps » macronien. En réactivant puissamment le clivage droite-gauche, elle a démontré toute la difficulté de bâtir des compromis sur des sujets aussi clivants et sensibles que l’immigration. Cette mauvaise loi, votée nuitamment et à contrecœur par une majorité aux abois, est un double naufrage pour le camp macroniste. Un naufrage politique et un naufrage moral. Le dernier clou vient d’être enfoncé dans le cercueil du front républicain.

Gérald Darmanin (source: Europe 1).

Face au drame de Gaza, l’UE n’a pas été à la hauteur

On ne peut que saluer la fermeté avec laquelle l’Union européenne a condamné la barbarie du raid mené par le Hamas en Israël le 7 octobre dernier: cette attaque d’une ampleur et d’une sauvagerie inouïes confirme, s’il en était besoin, que le Hamas est une organisation terroriste et que son objectif n’est ni la paix ni la protection des Palestiniens, mais bien la destruction d’Israël. On peut en revanche déplorer que l’Union européenne, comme frappée d’hémiplégie, rechigne à condamner de façon claire la violence des opérations militaires menées actuellement par Israël, qui ont fait des milliers de morts et provoqué une crise humanitaire gravissime dans le nord de la Bande de Gaza. Israël a évidemment le droit de se défendre contre le Hamas, mais ce droit ne peut servir à justifier des opérations qui prennent pour cibles des civils innocents et qui, de toute évidence, relèvent plus de la vengeance que de la légitime défense. La solidarité affichée par l’Union européenne envers le peuple israélien ne doit pas se muer en soutien aveugle et inconditionnel au gouvernement israélien. Face au drame de Gaza, les Européens n’ont pas été à la hauteur: au lieu d’appeler au cessez-le-feu, au lieu de réaffirmer leur attachement absolu au droit international, au lieu de faire tout leur possible pour éviter une boucherie à Gaza, les gouvernements européens ont détourné le regard. Ils ont donné un blanc-seing à l’armée israélienne. Il ont trahi cet idéal qui constitue la matrice même du projet européen: la paix. En oubliant que la vie d’un Palestinien avait la même valeur que celle d’un Israélien, l’Union européenne a commis une faute morale inexcusable. Et le prix géopolitique de cette faute sera lourd. Les Européens vont se couper un peu plus des pays du Sud et risquent de devenir inaudibles sur la scène internationale chaque fois qu’ils dénonceront – à juste titre – les bombardements russes en Ukraine. L’Union européenne vient de manquer une occasion historique de défendre ses valeurs universalistes et de faire entendre sa voix face aux tragédies du monde.

Bombardements à Gaza (source AFP).

L’école meurtrie par la barbarie djihadiste, une fois de plus

Nous savions déjà que l’école était un champ de bataille pour les islamistes. Nous savons désormais que l’école est aussi une cible pour les djihadistes. Trois ans presque jour pour jour après la décapitation de Samuel Paty, un autre enseignant a été abattu de sang-froid par un fanatique : Dominique Bernard, professeur de lettres au lycée Gambetta d’Arras, a perdu la vie pendant qu’il tentait de protéger l’entrée de son établissement. Le meurtre de cet enseignant m’inspire autant de tristesse que de colère. Je pense à ce professeur tué en pleine journée sur son lieu de travail. Je pense à ses proches, à ses collègues, à ses élèves. Je pense au portrait bouleversant que l’une de ses collègues a publié dans la presse : « je n’oublierai jamais ta silhouette sur le perron du lycée Gambetta », écrit-elle. A ces mots, la France entière, qui n’avait pourtant jamais entendu parler de Dominique Bernard avant l’attentat d’Arras, se retrouve immergée dans le quotidien de ce lycée du Pas-de-Calais et découvre, à travers de petites anecdotes, la personnalité de ce professeur brutalement fauché par la barbarie djihadiste. Mais j’éprouve aussi de la colère car cette tragédie me laisse le sentiment d’un irréparable gâchis. Samuel Paty est mort dans la peur et la solitude parce que sa hiérarchie s’est montrée incapable de le protéger au moment où des islamistes jetaient son nom en pâture sur les réseaux sociaux ; Dominique Bernard a été poignardé par un individu fiché S qui était surveillé par la DGSI, dont le frère radicalisé a été incarcéré pour apologie du terrorisme et dont la famille, originaire de Tchétchénie, a failli être expulsée du territoire français en 2014. Même si l’État n’est pas responsable, on ne peut s’empêcher de penser que ces deux attentats auraient pu – auraient dû – être évités.

S’attaquer à des enseignants, c’est s’attaquer à l’école toute entière, et à la République elle-même. L’école française est une cible parce qu’elle est le lieu de la transmission des valeurs républicaines, le lieu de la laïcité et du vivre-ensemble, le lieu où l’on forme les citoyens de demain. Si l’on veut vraiment protéger l’école, il ne faut pas seulement de grands discours, il ne faut pas seulement placer des policiers devant les établissements scolaires, il ne faut pas seulement des commémorations, des minutes de silence et des temps de recueillement. Il faut réarmer moralement les professeurs et leur garantir le soutien permanent et total de leur hiérarchie lorsqu’ils sont confrontés à des élèves ou à des familles qui les menacent ou remettent en cause leur autorité et leur enseignement. Il faut défendre la laïcité pour ce qu’elle est : un principe émancipateur qui, à l’école, protège les élèves contre toutes les pressions idéologiques et religieuses venues de l’extérieur. Et il faut cesser de faire croire que l’école laïque serait « islamophobe » comme l’ont fait récemment quelques élus irresponsables. Car dans le contexte actuel, cela revient à mettre une cible dans le dos des enseignants et des chefs d’établissement.

Si l’on veut vraiment protéger l’école, il faut aussi combattre sans relâche le fléau de l’islamisme. La diffusion d’un islam radical au sein de la société française constitue un terreau favorable au djihadisme. Avant de mourir, Samuel Paty a été victime d’une campagne de harcèlement et de calomnie lancée sur Internet par une poignée d’intégristes, au premier rang desquels se trouvait le prédicateur salafiste Abdelhakim Sefrioui. Nous savons aujourd’hui que les « loups solitaires » sont un mythe et que la radicalisation résulte toujours d’un processus de socialisation islamiste, comme l’ont bien montré les travaux du sociologue Bernard Rougier : les djihadistes ne se sont pas radicalisés tous seuls devant leur écran, ils se sont radicalisés dans leur quartier, dans leur mosquée, dans leur famille ou en prison. En faisant la promotion d’un islam en rupture avec la société française, en affirmant le primat de la loi d’Allah sur les lois de la République, en dénonçant une prétendue islamophobie d’État et en véhiculant un discours victimaire qui dépeint les musulmans de France comme une minorité persécutée, les islamistes fournissent une justification morale et religieuse à la barbarie djihadiste et créent les conditions qui rendent possible le passage à l’acte. N’oublions pas que l’attentat d’Arras s’inscrit dans un contexte international, celui de la guerre entre le Hamas et Israël, et que le Hamas est la branche palestinienne des Frères Musulmans, cette organisation islamiste qui diffuse aujourd’hui sa vision sectaire de l’islam et son agenda politico-religieux dans l’ensemble du monde musulman, et dispose désormais de puissants relais d’influence en Europe, singulièrement en France.

Les injonctions religieuses n’ont pas leur place à l’école

Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a déclaré que les abayas, ces robes longues venues du Moyen-Orient et portées par certaines musulmanes en France, seraient interdites dès la rentrée dans les écoles, collèges et lycées publics. Évidemment, cette annonce n’est pas exempte d’arrière-pensées politiques. Elle permet à l’exécutif de couper l’herbe sous le pied de la droite et de raviver les fractures de la gauche sur la laïcité. Elle permet aussi à Gabriel Attal de faire acte d’autorité avant sa première rentrée scolaire et de se démarquer ainsi de son prédécesseur, Pap Ndiaye, jugé trop passif.

Faut-il en déduire que le port des abayas dans les écoles est un faux problème ? Faut-il voir dans leur interdiction un simple coup politique ? Ce serait oublier que, depuis 2021, le nombre d’atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires a explosé, et que la majorité des signalements concerne des tenues jugées incompatibles avec la loi de 2004 sur les signes religieux. Ce serait oublier le désarroi des chefs d’établissement confrontés à la banalisation des abayas : ces derniers attendaient du ministère une clarification, et ils ont accueilli avec satisfaction l’annonce de Gabriel Attal. Ce serait oublier, enfin, que l’abaya n’est pas un vêtement ordinaire : cet habit distingue les élèves musulmanes des autres élèves. Or, un vêtement qui permet d’identifier la religion d’un élève n’a pas sa place dans l’école laïque.

Peu importe que la multiplication des abayas dans les écoles soit un simple « effet de mode » ou une provocation d’adolescents en mal d’identité. Nous savons que le port de cette tenue dans les établissements scolaires obéit à une injonction religieuse, abondamment relayée sur Internet par des intégristes qui souhaitent cacher le corps des femmes au nom d’une idéologie rétrograde et sexiste. Ils ont échoué avec le voile, ils essaient maintenant avec l’abaya. Cela fait plus de 30 ans que l’école publique est devenue un champ de bataille pour les islamistes : ce n’est pas le moment de capituler.

On aurait tort, cependant, de croire qu’une circulaire ministérielle règlera le problème. Les chefs d’établissement ont besoin d’une réglementation claire qui leur permette d’agir mais, sur le terrain, tout le monde sait que seul un dialogue apaisé avec les élèves et les familles permettra de surmonter cette épreuve. La sanction ne doit survenir qu’en dernier recours, lorsque le dialogue a échoué. Par ailleurs, il est plus que jamais nécessaire d’enseigner la laïcité dans toutes ses dimensions, pour lui redonner du sens et ne pas la cantonner, dans l’esprit des élèves, à une série d’interdits vestimentaires. Il faut rappeler ce qu’est la laïcité : un principe émancipateur, indissociable du projet républicain. Un principe de liberté, d’égalité et de fraternité. Parce qu’elle garantit la liberté de conscience et de culte. Parce qu’elle garantit l’égalité de toutes les religions devant la loi. Parce qu’elle permet le vivre-ensemble, autour de valeurs partagées.

L’école laïque est un sanctuaire. Elle a le devoir de protéger les élèves contre toute forme de prosélytisme et contre toute prescription religieuse : c’est là son fondement, sa mission première, sa raison d’être. La crise des abayas sera surmontée sans heurts si la République fait bloc. Hélas, une partie de la gauche, opposée pour des raisons électoralistes à l’interdiction des abayas, s’est distinguée par des réactions outrancières et nauséabondes : plusieurs députés LFI ont en effet dénoncé une « police du vêtement » et une « décision islamophobe ». Les islamistes ont de quoi se réjouir : ils ont trouvé chez les Insoumis des oreilles complaisantes et des alliés de poids dans leur combat contre l’école laïque.

Source: La Provence.

Ne confondons pas cri de colère et pulsion de violence

Les émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre sont prises en étau entre deux récits concurrents : celui de l’extrême-gauche et celui de l’extrême droite. Le premier voit dans ces émeutes une révolte légitime de la jeunesse des banlieues ; le second y voit une preuve de l’ensauvagement de cette même jeunesse.

Ces deux récits, aussi mensongers l’un que l’autre, tombent dans l’écueil de la généralisation abusive. Les jeunes casseurs dont on a vu les images en boucle dans les médias pendant cinq jours ne sont pas représentatifs de la jeunesse des banlieues, ils n’en sont ni le symbole ni les porte-parole. La pire injure que l’on puisse faire à la jeunesse des banlieues, c’est justement de la réduire à une poignée de voyous qui, à la nuit tombée, investissent les rues pour casser, piller, incendier.

La colère des jeunes de banlieue est tout à fait légitime : lorsqu’on vit parqué dans des quartiers ségrégués où s’accumulent les problèmes d’exclusion, de logement et de délinquance, on a de bonnes raisons d’être en colère contre l’État. La colère provoquée par la mort de Nahel est tout à fait légitime elle aussi, car la mort par balle d’un adolescent de 17 ans est un drame injustifiable. Mais ce n’est pas cette colère-là qui s’est exprimée dans le déferlement de violences auquel nous avons assisté. La mort de Nahel n’en fut que le prétexte.

Une pulsion de violence, ce n’est pas un cri de colère. Rien ne peut justifier que l’on saccage des mairies, des commerces, des casernes, des bus, des écoles, des crèches, des maisons de quartier, des médiathèques, des locaux d’associations caritatives et humanitaires. Rien ne peut justifier que l’on menace de mort des élus et leur famille ou que l’on attaque leur domicile. Ces actes sont inexcusables. Ce ne sont pas des actes de révolte, ils n’expriment aucune colère, aucun message politique. De tels actes appellent donc une réponse pénale exemplaire et immédiate.

Mais il faut aussi entendre la détresse de ces territoires en souffrance, gangrénés par le chômage et la délinquance. Car dans ces territoires vivent des femmes et des hommes qui veulent s’en sortir mais n’y parviennent pas. Ces femmes et ces hommes sont les premières victimes des actes de vandalisme perpétrés pendant quatre nuits consécutives : c’est à leurs services publics et à leur tissu associatif que l’on s’est attaqué. La République doit se tenir à leurs côtés, pour tout reconstruire.

La crise des retraites n’est pas une crise institutionnelle

La réforme des retraites a donc été adoptée. Dans la douleur, certes, mais dans le respect de nos institutions. Le gouvernement a utilisé tous les outils constitutionnels qui lui permettaient d’accélérer l’examen de ce texte explosif : vote bloqué, article 47-1, article 49-3. L’application cumulative de ces différents outils de « parlementarisme rationalisé » a exacerbé la colère sociale et donné aux Français le sentiment d’un passage en force, mais à aucun moment la légalité institutionnelle n’a été transgressée. La réforme des retraites est allée jusqu’au bout de son cheminement législatif : elle a fait l’objet de 175 heures de débat au Parlement ; elle a été votée par le Sénat, votée en commission mixte paritaire, adoptée par l’Assemblée nationale suite au rejet de deux motions de censure, validée par le Conseil Constitutionnel et enfin promulguée par le président de la République. A défaut d’avoir su convaincre les Français du bienfondé de cette réforme, l’exécutif peut au moins se prévaloir d’une légitimité institutionnelle.

Comme il fallait s’y attendre, la décision du Conseil Constitutionnel a suscité des réactions indignées parmi les adversaires de la réforme. Chaque fois que le Conseil valide une loi controversée, on voit ressurgir les mêmes interrogations sur l’impartialité des Sages de la rue de Montpensier. Ces polémiques sont dangereuses car elles fragilisent l’État de droit et nourrissent la défiance des Français à l’endroit d’une institution républicaine tout à fait essentielle qui a servi de contre-pouvoir chaque fois que les principes constitutionnels étaient menacés. Ce genre de polémiques fait le jeu de l’extrême droite, qui a érigé la critique du Conseil Constitutionnel un véritable lieu commun argumentatif : ainsi Éric Zemmour dénonce-t-il depuis des années le « gouvernement des juges » et les décisions « partisanes » du Conseil Constitutionnel. Sur les retraites, le Conseil n’a cédé ni à la pression de la rue ni à celle de l’opinion publique. Il a simplement joué son rôle de gardien de la Constitution. Le Conseil ne s’est pas prononcé sur la pertinence de la réforme, mais uniquement sur sa constitutionnalité. Il n’a pas cherché à apaiser les passions, car ce n’est pas son rôle. En rendant une décision dont il savait qu’elle susciterait une grande déception dans le pays, le Conseil Constitutionnel a fait la démonstration de son indépendance et de sa neutralité.

La crise des retraites n’est pas une crise institutionnelle. Ce ne sont pas les institutions de la Cinquième République qui ont conduit au fiasco démocratique dont nous avons été témoins. L’explication tient en un seul mot : hypocrisie. Hypocrisie d’un président de la République qui, lors de sa réélection, avait promis davantage de concertation dans l’élaboration des réformes. Hypocrisie d’un gouvernement qui déclarait ne pas vouloir d’un recours au 49-3 sur les retraites. Hypocrisie des députés de la majorité qui ont repris mécaniquement les éléments de langage de l’exécutif sur la nécessité de « sauver » un système de retraite dont le COR lui-même disait pourtant qu’il n’était pas menacé. Hypocrisie des députés LR qui, pour un tiers d’entre eux, ont refusé de soutenir un texte largement en phase avec leurs convictions : la palme revient au député Aurélien Pradié qui, par opportunisme, s’est engagé dans une croisade personnelle contre la retraite à 64 ans après avoir été, lors de la présidentielle de 2022, le porte-parole d’une candidate qui prônait la retraite à 65 ans. Hypocrisie de la NUPES qui dénonce une prétendue confiscation du débat parlementaire mais qui a tout fait pour empêcher le débat à l’Assemblée nationale, en adoptant une stratégie de chahut permanent et d’obstruction systématique. La palme revient aux députés LFI, qui accusent le gouvernement d’avoir semé le chaos dans le pays alors qu’ils ont eux-mêmes attisé la haine anti-flic et encouragé des actes illégaux tels que les blocages de lycées et d’universités. Hypocrisie du RN qui prétend soutenir les manifestations contre la réforme des retraites sans jamais y participer, pour mieux récupérer la colère sociale et en cueillir les fruits. Hypocrisie, enfin, des responsables syndicaux, qui accusent le gouvernement de ne pas avoir négocié mais qui ont, d’emblée, opposé une fin de non-recevoir à tout report de l’âge légal de départ en retraite, condamnant de facto toute négociation sur le cœur même de la réforme. La palme revient à la CFDT qui, en poursuivant la lutte contre une loi déjà adoptée par le Parlement et validée par le Conseil Constitutionnel, piétine ses propres principes légalistes pour ne pas froisser ses militants et pour mieux faire oublier son soutien à la réforme Touraine en 2014.

Toute cette séquence législative n’aura été qu’une grande comédie, un grand bal des faux-culs dans lequel chacun jouait un rôle. Personne ne sortira grandi de cette crise.

Le 49-3 de la honte.

Le 49-3 était la pire des solutions. Le pire des scénarios. Dans le contexte actuel, face à une mobilisation sociale massive contre la réforme des retraites, le recours à cet article controversé envoie évidemment le signal d’un passage en force. L’exécutif s’est montré incapable de convaincre l’opinion publique du bienfondé de sa réforme, tout comme il s’est montré incapable de trouver une majorité à l’Assemblée nationale. L’utilisation du 49-3 est d’abord et avant tout un aveu d’échec, l’ultime recours d’un gouvernement acculé, dépassé, fragilisé, qui traîne derrière lui une dette de 3.000 milliards d’euros et qui doit aujourd’hui démontrer à ses créanciers qu’il est encore capable de maîtriser les dépenses publiques.

Les députés LR ont, eux aussi, une grande responsabilité dans cette crise politique : en vérité, ils ont tout fait pour pousser la Première Ministre à utiliser le 49-3. Depuis le début du débat parlementaire sur la réforme des retraites, les députés LR ont une attitude irrationnelle. Ils n’ont cessé de critiquer le projet de loi, de faire monter les enchères, de réclamer toujours plus d’aménagements et de mesures compensatoires. Cette attitude est incompréhensible : les Républicains ont toujours défendu l’équilibre des comptes publics ; en 2022, leur candidate à la présidentielle prônait la retraite à 65 ans ; la semaine dernière, les sénateurs LR ont largement voté la réforme des retraites après l’avoir amendée. Pourtant, plusieurs députés LR continuent aujourd’hui à rejeter le texte, de peur d’être désavoués par leurs électeurs. En vérité, le 49-3 est une aubaine pour les députés LR : un vote les aurait obligés à sortir de l’ambiguïté et à se prononcer clairement sur le texte. Or, comme dit l’adage, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son désavantage. Avec le 49-3, les députés LR échappent à un vote embarrassant.

Ce 49-3 est un 49-3 de la honte, fruit de l’impéritie du gouvernement et de l’inconséquence des députés LR. Il aggrave la défiance des citoyens envers les institutions et risque d’entraîner une radicalisation du mouvement de contestation, avec des débordements et des violences que les députés LR seront sans doute les premiers à dénoncer. Au bout du compte, cette crise ne profitera ni à la majorité, ni aux tartuffes de LR, ni aux saltimbanques de la NUPES qui ont avili le débat parlementaire par leur comportement irresponsable et leur stratégie d’obstruction. Quelle que soit l’issue du vote sur la motion de censure, nous savons tous quel parti politique va tirer profit de la situation.