Boycottons

Les raisons de boycotter la prochaine coupe du monde de la FIFA ne manquent pas : ce mondial est une aberration climatique, une insulte aux droits humains et un affront aux valeurs du sport. Oui, cette compétition est un scandale. Oui, les responsables de la FIFA sont des gens corrompus jusqu’à la moelle. Oui, le Qatar est un État qui bafoue les libertés fondamentales et qui sponsorise l’islamisme et le djihadisme. Oui, les stades dans lesquels se joueront les matchs ont été construits avec le sang de travailleurs immigrés sous-payés et privés de droits sociaux. Oui, organiser des matchs d’une telle importance dans huit grands stades climatisés, dans une région aride, dans un pays comptant seulement 2 millions d’habitants, est une absurdité. Que nous faut-il de plus ?

Il y a peu de chances que le président de la République, passionné de football et soucieux de ménager le Qatar dans un contexte de flambée des prix du gaz, appelle au boycott de la compétition. Il est peu probable que les équipes refusent de participer au mondial : les joueurs ne sont pas des militants écologistes et, d’ailleurs, on a de sérieuses raisons de penser que beaucoup d’entre eux se moquent éperdument du climat. Même l’équipe norvégienne, qui avait menacé de boycotter le mondial, est finalement rentrée dans le rang. Un boycott citoyen et médiatique reste cependant possible et redonnerait un peu de crédibilité à nos engagements écologistes et à nos principes humanistes. Du côté des médias, les choses commencent à bouger, timidement. Un seul journal français, Le Quotidien de la Réunion, a pour l’instant déclaré son intention de ne pas couvrir la coupe du monde : d’autres journaux seraient bien inspirés de lui emboîter le pas. Quant aux citoyens, il ne tient qu’à eux de dire non. En refusant de regarder les matchs. Tous les matchs. Même ceux de la France.

Certes, les appels au boycott arrivent trop tard. Dix ans trop tard. Peuvent-ils encore changer quelque chose ? A court terme, non. Car la coupe du monde aura lieu, de toutes façons. Mais un boycott massif créera un précédent, il obligera les grandes organisations sportives à prendre en compte les dimensions éthique et environnementale dans le choix des futurs pays organisateurs de grandes compétitions internationales. Malgré toute la considération que mérite un sport aussi populaire que le football, il importe aujourd’hui qu’un maximum d’organisations et de personnalités publiques – élus, intellectuels, sportifs, artistes, influenceurs, associations, syndicats, partis politiques – appellent au boycott de la coupe du monde 2022. Nous en sommes collectivement capables. Les valeurs qui sont ici en jeu sont bien plus importantes qu’une compétition de football. Et tant pis pour les Bleus : nous aurons d’autres occasions de les encourager.