Vaccination obligatoire: une mesure autoritaire?

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A compter du 1er janvier 2018, onze vaccins pédiatriques seront obligatoires au lieu de trois actuellement. Cette décision du gouvernement est motivée par le retour inquiétant de la rougeole, qui avait presque disparu en France. La rougeole est une maladie très contagieuse qui peut entraîner des pneumonies et des encéphalites mortelles : la France connaît depuis 2008 une épidémie qui a touché 24.000 personnes et fait 10 morts ; une adolescente non vaccinée est d’ailleurs décédée de la rougeole à Marseille en juin 2017. Le vaccin contre la rougeole est simplement recommandé : seuls 75% des Français sont vaccinés contre cette maladie, ce qui n’est pas suffisant pour empêcher de nouvelles épidémies. Mais l’extension de la vaccination obligatoire a immédiatement relancé en France le débat entre les pro-vaccin et les anti-vaccin.

Que les choses soient claires : l’efficacité des vaccins est prouvée depuis longtemps. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la vaccination de masse a fait reculer de façon spectaculaire plusieurs maladies infectieuses mortelles et hautement contagieuses : dans les années 1950, en Europe, on mourait encore de la tuberculose, de la coqueluche, de la diphtérie et de la poliomyélite. Ces maladies, nous avons fini par les oublier car elles ont quasiment disparu dans les pays développés. Nous avons oublié que la diphtérie provoquait la mort par suffocation, que la coqueluche tuait les nourrissons dans d’abominables quintes de toux et que la poliomyélite entraînait une paralysie des membres inférieurs et du système respiratoire. Nous avons oublié que les maladies infectieuses étaient la première cause de mortalité en Europe jusqu’au milieu du XXe siècle.

Nul ne peut nier que la vaccination de masse représente un progrès majeur dans l’histoire de l’humanité. Pourtant, un mouvement anti-vaccination a émergé en Europe et en Amérique du Nord à partir des années 90 : les militants « antivax » prétendent que les vaccins sont inefficaces, voire dangereux. Ils dénoncent un « lobby du vaccin » et contestent le principe de la vaccination obligatoire. Ils vont même jusqu’à présenter la vaccination des nourrissons comme une forme de maltraitance ! Cette hostilité aux vaccins se nourrit surtout de rumeurs et de croyances, mais la propagande anti-vaccin a des effets réellement néfastes sur la population : relayée par des sites Internet complotistes et par des sites d’information pseudo-scientifiques, cette propagande entretient la confusion dans l’opinion publique et alimente la méfiance envers les vaccins. En outre, de simples rumeurs propagées sur le web déclenchent parfois de véritables paranoïas collectives : ainsi, au début des années 2000, une épidémie de rougeole a démarré au Royaume-Uni parce que les gens croyaient, à tort, que le vaccin ROR favorisait l’autisme. Des rumeurs comparables ont circulé en France à propos d’un lien entre le vaccin contre l’hépatite B et certains cas de sclérose en plaques.

La décision d’étendre la liste des vaccins pédiatriques obligatoires a évidemment provoqué l’indignation des militants « antivax ». Certains sites antivaccin prétendent (sans le démontrer) que le système immunitaire des nourrissons serait trop « immature » pour pouvoir absorber les onze vaccins obligatoires : c’est oublier que les huit nouveaux vaccins obligatoires étaient déjà recommandés auparavant et que, dans les faits, ils étaient déjà administrés à la plupart des nourrissons sans que cela pose problème. Mais la décision du gouvernement a déclenché une vague de protestation dont l’ampleur dépasse très largement celle du mouvement antivaccin traditionnel. De nombreux parents, bien que favorables à la vaccination, s’interrogent sur la pertinence d’une telle mesure ; plusieurs intellectuels se sont même exprimés dans les médias pour dénoncer l’extension de la vaccination obligatoire, qu’ils considèrent comme une mesure « autoritaire » portant atteinte à la liberté des familles.

Faut-il sanctionner les parents qui refusent les vaccins pédiatriques obligatoires ou faut-il, au nom de la liberté thérapeutique, leur accorder un droit au refus de vaccination ? En tant que centriste et libéral, j’ai tendance à penser que l’Etat doit respecter les choix de vie et les convictions personnelles de chacun. Mais la vaccination n’est pas une simple affaire de conviction personnelle : c’est un enjeu de santé publique. Pour qu’un vaccin puisse empêcher la propagation d’un virus, il faut qu’une grande partie de la population soit vaccinée : c’est ce que l’on appelle la couverture vaccinale. On ne se vaccine pas seulement pour se protéger soi-même : on se vaccine aussi pour protéger les autres. Certaines personnes ont un système immunitaire défaillant qui ne les protège pas contre les maladies infectieuses, même en cas de vaccination : c’est uniquement la couverture vaccinale qui évite à ces personnes d’être contaminées. En outre, certains vaccins ne peuvent pas être administrés aux nouveau-nés, tels que le vaccin contre la coqueluche : c’est donc la vaccination de leur entourage qui protège les nouveau-nés de cette maladie.

La vaccination obligatoire est le seul moyen d’assurer une bonne couverture vaccinale et d’empêcher l’apparition de nouveaux foyers épidémiques. Ces dernières années, la méfiance croissante envers les vaccins a entraîné une dégradation de la couverture vaccinale et favorisé la résurgence de plusieurs maladies qui avaient presque disparu en Europe, comme la tuberculose, la coqueluche et la rougeole ; un retour de la diphtérie a même été constaté en Russie. Le refus de vaccination est un choix égoïste et irresponsable car les personnes qui refusent la vaccination mettent en péril la santé de leur entourage. La santé de la population doit primer sur les croyances et les libertés individuelles, surtout lorsqu’il est question de la santé de nos enfants. De plus, accorder un « droit au refus de vaccination » donnerait à la population le sentiment que les vaccins obligatoires ne sont pas vraiment indispensables et encouragerait la négligence vaccinale. Un tel « droit au refus » placerait aussi les médecins dans une posture délicate puisque chaque praticien aurait la responsabilité de convaincre, au cas par cas, les familles réticentes, avec des sons de cloche différents d’un médecin à l’autre.