Hulot quitte le gouvernement

N. Hulot.

Mardi 28 août, Nicolas Hulot annonçait sur l’antenne de France Inter sa démission du gouvernement, après 14 mois de bons et loyaux services au ministère de la Transition Ecologique. J’avais placé beaucoup d’espoirs dans la nomination de Nicolas Hulot à ce ministère et je suis profondément déçu par son départ. Malheureusement, ce que Nicolas Hulot n’a pas réussi à faire, aucun autre ministre ne pourra le faire à sa place. Mais je comprends sa décision et je la respecte, car c’est la décision courageuse d’un homme qui a choisi de faire passer ses convictions avant sa carrière. Le ministre a exposé avec beaucoup de sincérité les raisons de sa démission : il était isolé, dans le gouvernement, dans la majorité mais aussi dans la société française elle-même. Il a compris que, tout seul face à de puissants groupes d’intérêts, il n’avait pas la capacité d’amorcer les transformations radicales qui sont aujourd’hui nécessaires pour faire face à l’urgence climatique.

Pour autant, l’action de Nicolas Hulot dans le gouvernement n’a pas été inutile, bien au contraire. Le gouvernement a définitivement enterré le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, qui était une aberration écologique. L’objectif de 50% de produits bio dans les cantines a été inscrit dans la loi. Nicolas Hulot a lancé en septembre 2017 son « Plan climat » prévoyant, entre autres, une « prime à la reconversion des véhicules », une hausse de la taxe carbone et une convergence des fiscalités sur le diesel et sur l’essence. Le ministre a également fait voter une loi interdisant toute nouvelle exploration d’hydrocarbures. A l’échelle européenne, la France a obtenu l’interdiction des néonicotinoïdes, ces pesticides responsables de l’effondrement du nombre d’abeilles. Toutes ces mesures vont dans le bon sens mais, comme l’a reconnu lui-même Nicolas Hulot, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce ne sont que des « petits pas », pour reprendre la formule du ministre.

Nicolas Hulot voulait que sa démission ne fasse l’objet d’aucune récupération politique mais, bien évidemment, l’opposition n’a pas manqué d’instrumentaliser l’événement pour attaquer le gouvernement et le président de la République : ceux qui voient dans la démission de Nicolas Hulot le symptôme d’une « déliquescence » de la macronie sont les mêmes qui ceux qui voyaient une « crise politique majeure » dans l’affaire Benalla. Il n’en est rien : le départ de Hulot est évidemment un coup dur pour l’exécutif, mais il ne permet aucun pronostic sur l’avenir de Macron et de son gouvernement. Pour ma part, je pense que le départ de Hulot illustre surtout l’échec de tout un système politique noyauté depuis longtemps par les lobbys. Ce lobbying intense n’est pas nouveau, il n’est pas spécifique au macronisme, il existait déjà sous les majorités précédentes, de façon moins visible mais avec la même force de frappe. Cela montre d’ailleurs les limites du renouveau incarné par la majorité sortie des urnes en 2017 : le renouvellement des hommes n’a pas permis un véritable changement des pratiques.

La démission de Nicolas Hulot questionne aussi l’utilité d’un ministère dédié à l’écologie, car l’existence d’un tel ministère tend à isoler l’écologie des autres champs de l’action politique. Or, l’écologie n’est pas un simple champ de l’action politique : elle doit être la base même de l’action politique. Elle est transversale par définition puisqu’elle concerne autant l’industrie que l’agriculture, l’énergie, les transports, la politique de la ville, la santé ou l’éducation. Les institutions de la Cinquième République sont telles que, pour mettre en œuvre une véritable transition écologique, il faudrait un écologiste à l’Elysée. Et à Matignon, cela va sans dire.

Loi Schiappa: un texte qui manque vraiment d’ambition

Marlène Schiappa (source: france info).

La loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes, définitivement adoptée pendant l’été avant la fin de la session parlementaire, comporte des avancées non négligeables : le texte allonge de 20 à 30 ans le délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs, il durcit les peines pour atteintes sexuelles sur mineurs, il élargit la définition du cyber-harcèlement et renforce l’arsenal répressif contre le harcèlement de rue, notamment par l’instauration d’un « délit d’outrage sexiste ». Toutes ces mesures vont dans le bon sens.

Pourtant, la loi Schiappa est décevante à plusieurs égards. Le rapport de la députée UDI Sophie Auconie proposait l’imprescriptibilité des viols en série sur mineurs : cette mesure n’a pas été retenue dans le projet de loi. Or, certaines victimes mettent énormément de temps avant d’oser prendre la parole et, parfois, 30 ans ne suffisent pas car l’agresseur avait un ascendant moral sur sa victime. En outre, le texte passe à côté du problème des violences conjugales. Il ne prévoit rien pour limiter la diffusion d’images dégradantes des femmes dans les médias. Il ne comporte aucune mesure visant à faciliter le dépôt de plainte pour viol ou améliorer la prise en charge des victimes dans les locaux des forces de l’ordre : la Délégation aux droits des femmes préconisait pourtant quelques mesures simples et peu coûteuses, comme la généralisation des auditions filmées ou la possibilité de déposer des pré-plaintes hors des commissariats. Si Macron veut que l’égalité hommes-femmes devienne effectivement l’une des grandes causes du quinquennat, il y a encore du travail.

Mais la principale carence du texte concerne la question du consentement sexuel. Le gouvernement s’était engagé à fixer un âge légal de consentement sexuel, c’est à dire un âge en-dessous duquel un mineur serait présumé non-consentant devant la justice. Cet âge aurait pu être fixé à 14 ou 15 ans, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays. L’opinion publique attendait un signal fort après l’affaire de Pontoise dans laquelle une fillette de 11 ans a été considérée comme « consentante » par la justice. Or, cet objectif a été abandonné sous la pression des syndicats de la magistrature, au motif qu’une telle disposition encouragerait les « condamnations automatiques ». Il est nécessaire que la loi fixe un âge minimum de consentement sexuel pour protéger les mineurs : le gouvernement et les parlementaires ont manqué une occasion historique de le faire. Et ce renoncement risque de cautionner les discours de tous ceux qui, à tort ou à raison, décrivent la France comme un pays trop « complaisant » à l’égard des pédophiles.